Dorothée Duret (parfumerie Le Nez Insurgé, à Bordeaux) : « L’odorat est le premier langage, directement connecté à une fonction vitale. »

Cet été, Nez a décidé de vous faire découvrir quelques-unes des parfumeries qui nous ont fait le plaisir, dès notre premier numéro, de distribuer notre revue. Après notre entretien avec Isabelle Gallet à Toulouse, faisons un saut jusqu’à Bordeaux et donnons la parole à Dorothée Duret, de la parfumerie Le Nez Insurgé. Elle nous dévoile son parcours, son rapport au parfum, artistique et sensible, ses coups de coeur…

Comment êtes-vous arrivée dans le monde du parfum ?

Par instinct. J’ai grandi dans différents pays d’Afrique, j’ai fait des études de style à Paris et j’ai travaillé comme visuel merchandiser un peu partout en Europe. Finalement, lassée de bouger, j’ai voulu me sédentariser et devenir mon propre patron. Un jour, j’ai eu l’opportunité de reprendre un bail commercial dans LA rue de Bordeaux [N.D.L.R. : 32, rue du Pas-Saint-Georges], ça a fait des étincelles dans tous les sens et voilà Le Nez Insurgé.

Mon intérêt pour le parfum vient essentiellement de mon attirance pour l’art. L’odorat est le premier langage, directement connecté à une fonction vitale. Il est pour moi le sens le plus réceptif à l’art. Je n’ai pas de formation en parfumerie et j’aime l’idée d’être une profane. Je fais confiance à ma sensibilité, j’essaie de ne jamais rentrer dans la comparaison et je préserve ma naïveté olfactive. Je ne prétends rien, je me fais plaisir et j’apprends tous les jours.

Qu’est-ce qui selon vous caractérise votre boutique ?

Au premier abord, le nom et l’esthétique de la boutique intriguent les passants, ils se demandent ce qu’il se passe dans cet endroit et que peut bien être un « nez insurgé ». Puis il y a la sélection pointue, toujours plus confidentielle. Les visiteurs adorent découvrir des marques qu’ils ne connaissent pas, ils viennent en explorateurs, ils veulent être surpris.

Ensuite, il y a indéniablement l’accueil, l’ambiance est très décontractée, on rit, on bouscule les tabous, on fait redescendre la pression du portefeuilles aussi car le parfum ne minaude pas, il touche.

Le parfum doit être à la portée des gens, alors ici, on n’emploie pas vraiment de termes techniques, on matérialise le parfum, on parle d’une couleur, d’une voix, d’une texture, d’un trait de caractère. Je dis souvent d’un parfum qu’il est fourbe, vaniteux, espiègle ou bien d’autres qualificatifs. Jessica qui m’accompagne à la boutique depuis quelques mois a d’ailleurs à son actif une personnification de Bubblegum Chic de Heeley en Poison Ivy (Uma Thurman dans Batman et Robin) qui claque son chewing-gum avec un air désabusé… j’adore.

Des événements sensoriels sont régulièrement organisés à la boutique. On y fait entre autres des interprétations sonores, visuelles ou gustatives des parfums. Dans tous les cas, ces événements ont une dimension artistique et créative où tous les sens convergent vers le parfum.

Nez Insurgé -

Comment faites-vous la sélection des marques qui entrent chez vous ?

Dans un premier temps, j’explore l’imaginaire des marques. Plus il est éloigné du parfum en apparence, plus ça m’intéresse. J’ai une affection particulière pour les univers mystiques et les parfums animalisés mais je suis également très touchée par la poésie des créateurs qui racontent sincèrement leur propre histoire. Ensuite, je sens les parfums et si le travail technique est cohérent, le charme opère. Les parfums doivent être habités, je veux vivre une rencontre. J’aime le parfum intellectualisé et je privilégie les maisons indépendantes.

Un ou des coups de cœur cette année ?

C’est une question cruelle, il serait trop long de lister tous mes coups de cœur cette année. Alors je dirais :Shameless seducer de Malbrum  pour sa sublime nudité,Iris cendré de Naomi Goodsir pour son mystère omniprésent, Luci ed ombre de Masque Milano pour l’excitation du danger, le loup-garou qui guette et Particules imprévisibles des Eaux primordiales pour ses contrastes et son mouvement.

Quel parfum portez-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui il fait 38°, je n’aime pas porter un parfum frais quand il fait chaud. C’est un peu comme repeindre tous les murs d’une pièce sombre en blanc pour trouver la lumière au lieu de sublimer l’obscurité. Alors je porte1697 de Frapin en extrait. J’en mets peu bien entendu et je le laisse se déployer avec la chaleur. Les bois chauds et gourmands sur une peau moite, c’est génial.

Propos recueillis par mail le 21 juillet 2016

Vous pouvez également relire les entretiens Auparfum parus pendant l’été 2015 avec Jovoy, Sens Unique, LiquidesHaramens et Marie-Antoinette

Commentaires

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En week end amoureux à Bordeaux, déformation professionnelle oblige, je me suis arrêtée immédiatement à la vue de la vitrine de Nez Insurgé. Pour y passer le pas de porte et y rester un bon moment !
Un très bel endroit, intimiste, avec des conseillères impliquées , dotée d’une connaissance à la fois large et pointue du marché .
Une belle rencontre, un boutique de parfum de niche telle qu’on les attend !

J’ai découvert Le Nez Insurgé il ya 2 ans depuis c’est avec un grand plaisir que je reviens toujours en quête de parfums atypiques avec une excellente tenue sans compter l’originalité de la boutique les bons conseils de Dorothée et sa patience ! Le choix est vaste et il y en a pour tous les nez !! Je recommande vivement ce lieu pour tous ceux et celles qui aiment l’originalité olfactive .

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