Veronique Nyberg - Mane

Choisir sa palette – Véronique Nyberg (Mane)

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En parallèle de leur travail de composition, les parfumeurs sont souvent impliqués, à différents degrés, dans la sélection des ingrédients qui composent la palette de leur société. Véronique Nyberg, parfumeur et vice-présidente de la création parfumerie fine chez Mane, évoque cette mission essentielle autour des matières premières qu’ils manient au quotidien et qui sont parfois constitutives de leur style créatif.

Quel rôle jouez-vous dans l’évolution de la palette d’ingrédients avec laquelle vous travaillez ?

Chez Mane, j’ai un rôle un peu particulier, qui est lié à mon parcours : j’ai été docteur en chimie avant de devenir parfumeur. Outre mon travail de composition, je siège au comité scientifique de la société. Celui-ci réunit tous les deux ou trois mois les dirigeants de la société, les chercheurs de notre département recherche et développement (R&D), les services liés à la réglementation ainsi qu’aux analyses, et moi-même, qui représente les parfumeurs. L’enjeu est de définir la stratégie du groupe en matière d’innovation sur les ingrédients naturels et synthétiques, pour apporter de nouvelles tonalités à la palette des parfumeurs et aromaticiens. En tant que porte-parole des parfumeurs, je fais remonter les besoins d’ingrédients, qu’ils émanent des exigences d’un client pour un projet particulier, d’une tendance émergente ou de nos envies. Ce sont ces retours qui guident le travail de notre R&D et l’orientent vers le développement à façon de tel ou tel ingrédient. Lorsqu’une demande de projet est acceptée par le comité scientifique, je valide olfactivement chacune des étapes du développement, tout en assurant le lien entre la R&D et l’équipe des parfumeurs.

Entre parfumeurs, comment s’organise ce travail autour des ingrédients de la palette ?

Avec les parfumeurs, nous nous réunissons à peu près une fois par semaine pour sentir des matières premières en cours de développement, naturelles ou synthétiques. Nous les évaluons pour juger de leur intérêt olfactif et partager nos impressions sur leur mise en pratique dans des formules. À terme, il faut un consensus pour que l’une d’elles rejoigne notre palette. Lorsque l’ingrédient n’emporte pas une adhésion collective, je me demande toujours s’il est bien raisonnable de poursuivre. Ce consensus des parfumeurs est très important pour que ceux-ci puissent ensuite s’approprier le nouvel ingrédient dans leurs créations. Nous déterminons aussi ensemble quels produits pourraient sortir de la palette du créateur lorsqu’un nouveau y entre. 

Pensez-vous que la palette propre à une société conditionne le style des parfumeurs qui y travaillent ? 

Je suis passée d’une société de composition à une autre au cours de ma carrière, mais je ne suis pas sûre que cela ait eu un impact sur mon style. Certes, j’ai dû renoncer aux captifs [ingrédients exclusifs, non commercialisés] de la première, mais j’en ai retrouvé d’autres qui m’ont ouvert d’autres perspectives, tout aussi inspirantes. J’aime toujours les grandes fleurs blanches et les notes boisées, comme le fait que les matières s’entrechoquent au sein de mes formules. Pour moi, le style réside plutôt dans la façon particulière qu’a un parfumeur de construire ses créations, comme un joaillier qui réalise la structure d’un bijou. Les ingrédients, ce sont les pierres qu’on va mettre sur cette architecture : elles sont importantes, mais ne déterminent pas un style à elles seules. 

Cet entretien est tiré de :
Le Grand Livre du parfum – Pour une culture olfactive, 2e édition augmentée, 240 pages, Collectif, Nez éditions, 2020, 30€

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